Actualités

Article publié le
31/03/2015

Réformer l'Islam

Par Fariba Hachtroudi

Fariba Hachtroudi était l'invitée de la FEP-CFDT des Côtes d'Armor lors d'une table ronde organisée fin novembre sur la laïcité. Elle réagit ici suite aux derniers évènements. Selon elle, "les temps sont mûrs pour le chantier de la réforme en Islam."

th_3.jpg

Il m’a fallu plus de cinquante ans pour me convertir à l’islam avant de pratiquer le Jihad Akbar, conseillé par Mahomet à ses fidèles. “... Le moudjahid est celui qui vincra son égo (jihada nafsah). C’est ainsi qu’il obéit à Allah”.  

Le jihad Akbar se pratique sans arme sinon le courage, la volonté, l’humilité. Avant « ma conversion » j’étais un authentique apostat passible de la peine capitale. Au regard de l’orthodoxie – en Iran ou ailleurs –  le musulman n’a pas le droit de renier la foi ou de changer de religion. Qui naît musulman le reste à vie et meurt en musulman. Notons pour l’anecdote  que les ulémas (savants islamiques) de deux dgrandes écoles de l’islam* acceptent le repenti de l’apostat de sexe féminin mais non pas celui du mâle. Cette discrimination positive est due au peu de Raison que l’on reconnaît au sexe faible. Faible et sentimentale, « à la limite de la débilité » d’après certains textes, la femme s’égare facilement et peut se rétracter. Elle n’avait pas d’âme il y a encore quelques siècles chez les bons chrétiens ! Ce rappel pour affirmer mon refus de stigmatiser l’islam ou le clergé musulman dans son ensemble.

A l’époque où je m’affichais athée ou agnostique nul besoin de la magnanimité du clergé ! Le choix sinon le privilège de « ces égarements » n’était pas donné à tous. Si j’avais été issue d’un milieu traditionaliste et rejeton d’un père croyant – plénipotentiaire en terre d’islam  – j’aurais forcément suivie la « voie royale » du croyant. Outre mon milieu familial qui me permettait la liberté de pensée sous toutes ses formes, le régime du Chah – dictatorial mais pas inquisitionnel - tolérait les « mauvais musulmans » et ne pourchassait que les convertis au marxisme. Erreur d’appréciation ? Probablement.

Moralité : Je ne m’occupais pas de l’islam avant que l’islam ne s’occupe de moi ! Mais dès l’instant où feu Ayatollah Rouhallah Khomeyni instaura sa République islamiste en Iran et mit en pratique son crédo « l’islam s’occupe de l’individu dès sa conception dans le ventre maternel à sa mort », il ne m’était plus possible d’ignorer l’islam. C’était, vous vous en souvenez, en 1989. J’étais en France, j’allais y rester pour dire non et lutter contre l’intolérable à partir de mon pays d’adoption.

Tout au long de mon combat acharné, radical, semé d’embûche, malgré ou grâce à mes erreurs d’appréciations, malgré les pertes douloureuses et suite à de longues traversées du désert, le jihad Akbar s’est imposé à moi comme l’ultime arme contre les adeptes du jihad par les armes. Qu’il s’agisse de terroristes pourchassés ou de tortionnaires légalement appointés par les autorités des pays – dont mon pays natal -  où la Chari’a est force de loi. J’ai opté pour le jihad Akbar sinon le ressentiment et la haine l’auraient emporté. L’âme blessée peut se guérir mais si elle se perd elle le sera à jamais, disait mon grand père, Cheïk Esmaïl Hachtroudi, haute autorité religieuse, progressiste, constitutionaliste, démocrate et maître reconnu en Jihad Akbar qu’il considérait comme le plus haut niveau de pratique spirituelle au service du peuple et pour sa liberté !

La haine qui pollue le monde se déchaîne chaque jour davantage. Celle des égorgeurs et des tortionnaires, mais aussi celle de certains de leurs réfractaires qui pensent en venir à bout par la coercition, le rejet ou la guerre.

Refuser la détestation aveugle envers des individus déshumanisés qui égorgent des êtres humains sans état d’âme est le premier pas pour tenter de comprendre, d’analyser les causes du mal, prévoir, guérir.

Daesh décapite les « mauvais musulmans » comme les « mécréants », Boko Haram nigérien kidnappe et vend des lycéennes comme esclaves sexuelles, Al Qaïda Maghbeb kidnappent des occidentaux, tuent des touristes ou des alpinistes… Tous le font au nom de l’islam et de Mahomet en récitant le Coran. Au Pakistan des imams prêcheurs envoient leurs fidèles brûler vifs des Chrétiens pakistanais accusés d’autodafé de sourates du Coran ! Ces mercenaires ne sont pas de vrais musulmans mais des terroristes et des barbares. Certes.  

Mais alors comment qualifier les hautes autorités de la République islamique ou du royaume Wahhabite pour ne citer que ces deux puissances rivales du Moyen Orient ? Ils mènent une guerre larvée pour le leadership du monde musulman, se haïssent cordialement autant qu’ils détestent les terroristes qu’ils financent si besoin  ! Ils appliquent, eux aussi au nom de l’islam et du Prophète et sans état d’âme, les lois de la chari’a présumées divines, intemporelles.

Décapitation d’apostats au royaume wahabbite, lapidation d’adultères en République théologique d’Iran. Flagellation, emprisonnement et torture des déviants de la chari’a dans les deux pays. Statut inférieur de la femme, peine capitale pour l’homosexualité et j’en passe.

Moralité : il existerait des intégristes qui agissent en toutes l’égalité et d’autres dans l’illégalité totale ! Les uns sont d’honorables dirigeants qui siègent à l’Onu, les autres des bandits et terroristes. On déroule des tapis rouges devant les uns. On bombarde les seconds. Et l’islam dans tout cela ? Ou est le vrai islam, où est la valeur d’exemple ? Pourquoi la France Patrie des Droits de l’homme et de la laïcité devrait être l’alliée de l’Arabie Saoudite, laisser le Qatar envahir son marché ? Ces pays ne financent-ils pas les officines intégristes ? D’où vient l’argent des imams Salafistes des mosquées de banlieues qui fanatisent nos jeunes, entchadorent nos jeunes femmes, distribuent de l’argent pour les convaincre de le porter. Pourquoi la France a rendu à l’Iran deux notoires terroristes égorgeurs dont un a décapité sur le sol français l’ancien Premier Ministre Chapour Bakhtiar ?

Des questions qui se posent en effet, mais dont les réponses ne sont pas celles, dangereuses et galvaudées par l’extrême droite. J’ai entendu un membre du FN crier dans un café : « Qu’ils se massacrent entre eux. Hors nos murs. Marine osera mettre fin à nos relations diplomatiques avec l’Arabie Saoudite s’il le faut ! » Ces vœux, à supposer qu’ils soient pieux ! sont irréalisables. On le sait à présent et à nos dépens : tout ce qui se passe « ailleurs » nous affecte tôt ou tard. Dès l’instauration de la République islamique et la prise du pouvoir de Khomeyni s’autoproclamant représentant de Dieu sur terre, les démocrates Iraniens, laïques ou croyants, n’ont eu de cesse de mettre en garde les politiques occidentaux contre l’intégrisme islamique. Real politique, intérêts économiques, erreur d’appréciation, et enfin la catastrophique guerre de GW Bush en Irak suivie de l’implosion de la Lybie, ont contribué à l’émergence de Daesh et la surenchère entre groupuscules terroristes. Et les victimes par excellence sont les peuples musulmans qui meurent par centaines de milliers. Ceux encore debout, se battent les mains nues et souvent du fond de leur cellule – en Iran et ailleurs - contre l’esprit Daesh de la terreur dite sacrée, y compris de haute autorité religieuse dont l’Ayatollah Boroudjerdi, parmi d’autres, embastillé depuis des années en Iran.

Quel est le mot d’ordre de ces vrais musulmans : la séparation du religieux et de l’état. Ils le réclament au nom et pour la sauvegarde de l’islam que l’on traîne dans la boue en lapidant ou égorgeant des innocentes. Légalement ou non. La laïcité équivaut à la fin de la Chari’a. La fin de la Chari’a signifie la relecture du Coran et l’élaboration d’exégèses dans la temporalité historique. Oui, il faut réformer l’islam. Le mouvement est en marche en Iran et ailleurs. Il faut soutenir sans faille les sociétés civiles dans les pays musulmans.

La France frappée au coeur peut et doit soutenir ces vrais musulmans en commençant par rassembler ceux qui se réclament de la réforme sur le sol national (religieux, penseurs et intellectuels, juristes, artistes).

Nulle autorité religieuse en France, ni ailleurs, n’a défendu Salman Rushdie, ni condamné le fetwa de meurtre de Khomeyni à son encontre en 1988. Entendre les représentants français du culte musulman condamner d’une seule voix la tuerie de mercredi me fait dire que les temps sont mûrs pour le chantier de la réforme en Islam. Le Coran affirme, « pas d’obligation en matière religieuse » c’est cela le vrai islam. Je me suis convertie  à cet islam-là pour pouvoir, si cela me chante, changer demain de religion, redevenir agnostique, dans le seul but de comprendre les uns et les autres ! Le jihad Akbar est le seul chemin à cette fin.

 

Fariba Hachtroudi Romancière. Dernier roman : Le Colonel et l’Appât 445. Albin Michel.

http://www.faribahachtroudi.fr/

http://www.mo-ha.com/

* Les Hanbalites et les Chaféites.


    Contactez-nous    

Imprimante enveloppe partager sur Facebook partager sur Twitter partager sur LinkedIn partager sur Viadeo partager sur Delicious

Afficher toute la rubrique


©2017-2024 Azimut - Création sites internet & Bornes interactives
Mentions légales | Plan du site