Actualités

Article publié le
19/06/2024

Le choc des savoirs dans le 1er degré : vers un enseignant technicien ?

La rentrée 2024 voit apparaître des nouvelles mesures dans le cadre du « choc des savoirs ».

methodes-imposees-on-vimeo-google-chrome-19_03_2024-14_44_39.png

 Menées tambours battants, vaille que vaille et coûte que coûte dans l’Éducation Nationale, les agents doivent suivre ce rythme, sans en dire un mot. Qu’en sera-t-il de ces nouveaux programmes  qui entreront en vigueur dès la rentrée prochaine pour le cycle 1 et 2, et pour la rentrée 2025 pour le cycle 3. Quel impact auront-ils sur le métier d’enseignant ?

 

Comment sont nés ces nouveaux programmes ?

Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation nationale, avait saisi le Conseil supérieur des programmes (CSP) le 8 janvier sur ce sujet. Celui-ci a rendu sa copie en avril. La Fep et le Sgen ont dénoncé le fait, qu’une fois de plus, aucune évaluation des anciens programmes n’avait eu lieu. De même, il n’y a eu aucune consultation des syndicats avant la rédaction du projet. Et cette réunion à la Dgesco n’ayant duré qu’une heure trente, pour tous les syndicats du privé et du public, aucun dialogue de fond, aucune proposition sur des points précis du programme n’a pu se faire. De plus, les dates de la consultation ouverte aux personnels − du mardi 16 avril au lundi 13 mai – sont insatisfaisantes : en raison des vacances et des ponts, le temps pour s’exprimer est réduit. 

 

Quel contenu des programmes ?  (https://eduscol.education.fr/3206/consultation-nationale-sur-les-programmes-de-francais-et-de-mathematiques-au-cycle-1-et-au-cycle-2)

 

Pour l’instant, sont présentés les projets en mathématiques et en français avec des intitulés relatifs aux savoirs à acquérir  par niveau de classe. A ce jour, il n’y a aucune mention des autres champs disciplinaires (excepté pour l’EMC). Des apprentissages à acquérir sont clairement indiqués par année avec mention des réussites attendues (avec les réponses demandées, notamment dans la modélisation des réponses en calcul et résolution de problèmes), ainsi que les domaines à travailler par jour, semaine et dans l’année. Ainsi les fractions seront abordées dès le CP et n’auront plus de secret pour les élèves en fin de cycle 2!

 A savoir, tout de même, que le socle sera revu, lui, pour la rentrée 2025. Comment faire le lien ? 

Certes, ces programmes peuvent être considérés comme facilitateurs dans la mise en place de progressions et de programmations par cycle mais leur construction est bien le signe de notre savoir- faire professionnel. Par un travail collaboratif, au plus proche des attentes et des besoins des élèves de l’école, l’enseignant et l’équipe sont capables de concevoir ces apprentissages. Les cycles, de fait, disparaissent. 

D’autre part, une question essentielle est celle des élèves à besoins éducatifs particuliers dont le temps d’apprentissage n’est pas linéaire et dont certaines connaissances ne peuvent être acquises en une seule année. Si ces derniers n’atteignent pas les savoirs attendus des programmes à la fin de leur classe, quelle sera la solution ? Le redoublement ?

 

Pour nous aider à appliquer les programmes : les « méthodes ». et les manuels labellisés.

 

Dans le manuel du bon enseignant, le Ministère nous offre le complément aux programmes, c’est à dire le « comment faire ». Les méthodes « efficaces » sont mises en avant : celle de Singapour et celle de l’enseignement explicite. Il n’est pas question de dénigrer ou de remettre en question l’efficacité de ces apports mais bien de soulever, encore, le déni des compétences des enseignants du premier degré. La spécificité de notre métier est bien dans le savoir -faire didactique enrichi par les nouvelles approches pédagogiques. 

Il est, bien entendu, plus difficile de remettre en question la formation continue des enseignants ainsi que les lieux de mutualisation qui permettent d’échanger sur nos pratiques. Effectivement, nous n’avons pas assez de temps pour cela et, sans doute, de moyens. 

Mais nous allons avoir (paraît-il dès la rentrée 2024 pour les CP et CE1) des manuels labellisés, obligatoires en mathématiques et en français dans le 1er degré. « Une procédure de labellisation sera mise en place pour certifier les manuels scolaires », nous précise-t-on sur Eduscol. Il s’agira d’avoir un choix de manuels qui respectent les attentes du Ministère. Qu’en est-il de la liberté pédagogique des professeurs des écoles ? Une étude certifie que « l’utilisation de manuel en français et en mathématiques améliore significativement les programmes.» Y a -t- il eu des études sur d’autres méthodes ? Est-ce à dire que les élèves dont les professeurs n’utilisent  pas de manuels, mais s’appuient toutefois sur des méthodes et outils pédagogiques prenant en compte les besoins des élèves et respectant les programmes, auraient de moins bons résultats ? 

Beaucoup de flou en ce moment, alors que les programmes ne sont toujours pas validés. Les éditeurs sont pourtant dans les starting-blocks. Que de précipitation , avec un semblant de concertation...

 

La mise en place :

 

Ces nouveaux programmes seront effectifs à la rentrée 2024. Or, les projets actuels vont probablement être un peu modifiés avant d’être présentés à la commission spécialisée du 29 mai. Lors de ce groupe de travail, la Fep et le Sgen feront le plus de propositions possible pour tenter de faire modifier les textes. Le projet final sera alors soumis à l’avis du Conseil supérieur de l’éducation le 6 juin. Ensuite, le texte pourra paraître au Bulletin officiel, pour une mise en place à la rentrée de septembre. C’est oublier que les enseignants doivent avant tout s’approprier les programmes.  Veut-on faire travailler les personnels pendant les vacances ? Et quelle formation pour les accompagner dans cette appropriation, sachant que la totalité de leurs heures de formations est déjà réalisée ?

 

Pour la FEP-CFDT, ce « choc des savoirs » est surtout un « choc » pour le statut de l’enseignant : 

Par ces réformes, le Ministère semble vouloir palier la crise des recrutements en créant de bons techniciens, capables d’appliquer une « boîte à outils » qu’il nous fournit. Il s’agit bien d’une remise en question de fond de notre « liberté pédagogique » et plus généralement d’une crise de confiance du professionnalisme des agents. Ce regard sera bien loin de faire renaître cette autorité de l’enseignant tellement nécessaire. Cela interroge également sur le contenu de la formation des futurs enseignants…

 


    Contactez-nous    

Imprimante enveloppe partager sur Facebook partager sur Twitter partager sur LinkedIn partager sur Viadeo partager sur Delicious

Afficher toute la rubrique


©2017-2024 Azimut - Création sites internet & Bornes interactives
Mentions légales | Plan du site